Une interview de Mme Michèle Burdet, chamane en Suisse, membre de SOINS ALTERNATIFS
Henri Ruch :
Lorsque j'ai lu le mot chamanisme sur l'écran de mon ordinateur, il m'est tout de suite venu l'image de l'indien en train d'agiter un gri-gri sur un malade ou en train de tourner autour de lui en scandant des paroles incompréhensibles. En parlant autour de moi de cette discipline, je n'ai vu que des yeux étonnés et parfois même moqueurs. En quelques mots pourriez-vous décrire les bases de ces soins ?
Michèle Burdet :
Le chamanisme existe partout sur notre planète. On estime qu'il est la plus ancienne forme de guérison, datant de 15 ou 20'000 ans dans la préhistoire.
Existant en toutes les cultures, il a pris une infinitude de formes. Votre image a été et peut-être est encore trouvable quelque part dans notre monde où cette forme de comportement est appropriée à la culture hôte. Votre image a peu à faire avec ce qu'on pourrait appeler un chamanisme moderne occidental.
Votre "indien agitant son gri-gri, dansant autour de son patient, scandant des paroles incompréhensibles" est en train de solliciter le contact avec ses alliés dans le monde spirituel. Dans notre temps nous parlons de guides spirituels, pour d'autres il s’agit des anges.
Nous, les chamans d'aujourd'hui, en occident, nous travaillons avec le tambour, qui pour nous représente le battement du cœur de notre mère la terre.
Avec le tambour, et un peu de rituel privé, j'arrive à passer dans cette autre dimension, me relier avec mes guides, et voyager à la recherche de l'information ou des éclats égarés de l'âme qui vont guérir mon client. Je n'ai pas besoin de drogues hallucinogènes pour y arriver ; ça c'est un artefact d'une autre culture moins évoluée que la notre.
Pour moi, les anciens ont inventé une psychothérapie appropriée à leurs mœurs et leur culture. Pour moi, ce que nous faisons agit beaucoup comme une sorte de psychothérapie. Je connais des psychothérapeutes qui ont adopté le chamanisme comme aide thérapeutique.
Beaucoup de ces problèmes d'images sont attribuables aux médias de nos jours. Ils cherchent le spectaculaire, ils vendent le spectaculaire.
Henri Ruch :
Le chamanisme est souvent associé à des prises de drogues ?
Michèle Burdet :
Ce problème est totalement culturel. Les chamans de l'Amazone ont besoin de leur vigne ayahuasca pour leur amener des visions. Ceci est venu à notre connaissance dans le même temps que le LSD. Certaines tribus du Mexique et sud Sud-ouest des Etats-Unis mangent un champignon qui s'appelle "peyote" et qui contient de la mescaline. Cela donne des visions. Dans les Andes, les chamanes boivent un breuvage fait du cactus "San Pedro", aussi connu comme "huachuma", parfois "washuma". Le San Pedro, comme le Peyote, contient de la mescaline. Je l'ai bu; c'est dégoûtant et cela ne m'a fait que très peu d'effet.
Il est important de retenir les recherches de l'anthropologue américain Michael Harner, qui a beaucoup travaillé dans l'Amazone. Il a essayé l'ayahuasca, et il a appris une technique du recouvrement de l'âme là-bas. Mais en Amérique du Nord, il n'a enseigné que le recouvrement de l'âme en laissant à côté la drogue. Son livre "The Way of the Shaman" est épuisé dans sa traduction française.
J'ai appris ce métier d'une autre source, une chamane de souche Cherokee, Ai Gvdhi Waya. C'est elle qui a formé tous les chamans du groupe que j'ai cité. Notre méthode ressemble un peu à celle d'Harner et sa Foundation for Shamanic Studies, mais nous allons plus profondément dans le domaine.
Encore une fois, on est des victimes des medias, qui ont suivi des anthropologues aussi fascinés par tout ça. Mais il y a pas mal de tribus dans lesquels le chaman arrive dans son domaine spirituel avec l'aide d'un tambour, peut-être des chansons, un sifflet d'os d'aigle, des cloches, etc. Il n'est pas facile de partir dans une autre dimension de la conscience avec délibération et un programme de recherche.
Tous les chamans et chamanes de ma connaissance (peut-être 75 ou 80 en France, Suisse, Pays-Bas, Amérique du Nord, Angleterre, Nouvelle Zélande) emploient un tambour et peut-être une chanson privée. On abhorre les drogues et autres hallucinogènes. Ils ne sont pas nécessaires.
Un dernier mot : une grande proportion des chamans de ma connaissance travaillent ou ont travaillés dans d'autres domaines, tels l’homéopathie, le Reiki, la réflexologie ainsi que dans d’autres techniques de guérisons énergétiques.
Henri Ruch :
Merci Mme Burdet pour cette description du chamanisme actuel. Elle a totalement changé ma vision de cette discipline et chassé mes images d'Epinales qui y étaient liées.
Une interview effectuée par Henri Ruch
En savoir plus...Bonjour:-)
A titre d'information le peyote n'est pas un champignon mais un cactus, le lophophora williamsii. Quant à l'usage d'hallucinogènes, s'il est vrai qu'il n'est absolument pas nécessaire, en "abhorrer" la prise revient à nier l'expérience millénaire de nombreuses traditions chamaniques.
Meilleures salutations
Très bon descriptif du chamanisme. En ce qui concerne les chamans d'Amazonie, ils utilisent ces plantes car ils connaissent parfaitement la nature et sa richesse, ce que nous avons du mal à retrouver. Je voulais également préciser que pour les Amérindiens ce sont des Homme-médecine et femme-médecine, et non des chamans puisque ce mot nous vient de des tribus de Sibérie et non d'Amérique du nord.
Merci.